PUBLIÉ LE 22/06/2023

Orthographe : les Français pris en faute ?

Une enquête exclusive de l’IFOP pour MerciApp

En janvier dernier, une étude diffusée par le ministère de l’Éducation révélait que les élèves de CM2 font aujourd’hui deux fois plus de fautes que ceux de 1987 lors de la même dictée. « 27% des élèves n’ont pas le niveau requis en français à leur entrée en 6ᵉ » constatait par ailleurs le ministre Pap Ndiaye.

Les débats sur la maîtrise de l’orthographe ne sont pas récents dans notre pays. Ils reviennent de manière régulière avec, en toile de fond, la remise en cause de l’efficacité de l’enseignement dispensé dans nos écoles.

À l’heure où les élèves de 3ᵉ planchent sur le Brevet des Collèges et où leurs aînés attendent fébrilement les résultats des épreuves du baccalauréat, MerciApp a demandé à l’IFOP d’interroger les Français sur leur perception de l’orthographe, leurs propres capacités en la matière, l’attachement qu’ils y portent ou encore les difficultés qu’ils ont pu rencontrer dans leur vie à cause d’un participe passé retors ou d’un doublement de consonnes sournois.

Ainsi qu’en témoignent les résultats du test que nous leur avons soumis, nos compatriotes ont une nette propension à surestimer leurs compétences. Une confiance qui va de pair avec leur attachement au respect des règles de conjugaison et de grammaire, quand bien même ces dernières ont pu les handicaper à un moment ou à un autre de leur vie. Enfin, une très forte majorité estime que la dégradation de l’enseignement du français, dont ils sont largement convaincus, constitue une menace qui pèse sur la pratique de notre langue aujourd’hui.

Les Français très (trop ?) confiants

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp.

À l’évidence, les Français sont particulièrement sereins quant à leurs qualités en orthographe. Plus de 8 sur 10 (85%) déclarent en effet avoir un bon (65%) voire un très bon (20%) niveau lorsqu’il s’agit d’éviter les pièges de la langue française. Cette confiance en leurs capacités est partagée par toutes les tranches d’âges, des 18-24 ans qui sont 83% à le dire aux plus de 65 ans qui affichent la plus forte proportion de convaincus (96%).

Les principaux écarts se font jour en étudiant la sphère professionnelle des répondants : les cadres sont plus nombreux que les ouvriers (89% contre 73%) à faire état d’une bonne maîtrise du français à l’écrit. Notons également que les femmes sont celles qui affichent la plus forte confiance (90% contre 81% chez les hommes).

Les seniors sont les plus à l’aise

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Face à une telle assurance, nous avons jugé intéressant de soumettre les participants à un test composé de 20 phrases ne présentant pas de difficultés particulières ni d’écueils insurmontables. Force est de constater que les Français font preuve d’un optimisme en leurs compétences qui n’est pas vraiment confirmé par leurs résultats. Ainsi, à peine plus de la moitié (58%) obtient la note d’au moins 12/20 tandis qu’un sur cinq (19%) franchit la barre des 17/20.

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Sans conteste, les plus âgés se révèlent aussi les plus à l’aise dans l’exercice, puisque 78% des seniors de plus de 65 ans ont un niveau convenable, niveau que n’atteignent que 41% des 18-24 ans. Si les cadres se situent assez largement au-dessus de la moyenne (75% obtiennent plus de 12/20), les ouvriers sont ceux qui ont rencontré le plus de difficultés, à peine plus du quart d’entre eux (26%) donnant a minima 12 bonnes réponses.

Retrouvez la correction de la “dictée de l’IFOP” en fin d’article.

Le correcteur orthographique à l’aide des moins sûrs d’eux

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Longtemps outil de référence pour éviter les fautes, le dictionnaire est aujourd’hui largement supplanté, règne du numérique et praticité obligent, par le correcteur d’orthographe. 30% des Français les jugent efficaces contre 12% qui gardent une préférence pour les pages imprimées du Larousse ou du Petit Robert. Sans surprise, celles et ceux qui doutent le plus de leur niveau sont les plus nombreux à privilégier le correcteur (42% contre 20% de celles et ceux qui pensent avoir un très bon niveau). Donnée plutôt rassurante, la moitié des personnes interrogées (48%) estiment que rien ne vaut une formation composée de cours de français pour améliorer sa maîtrise de la langue.

Le respect des règles plébiscité

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Qu’ils aient ou non un bon niveau en orthographe, imaginaire ou réel, les Français témoignent un attachement massif et sans ambiguïté au respect des règles qui régissent l’usage de notre langue. C’est notamment vrai lorsqu’ils écrivent plus de 9 sur 10 (93%) se disant sensibles ou très sensibles au fait de ne pas faire de fautes. Ils sont à peine moins nombreux (88%) à faire preuve de la même exigence lorsqu’ils lisent un texte écrit par quelqu’un d’autre. Une attention partagée là aussi toutes générations confondues : 85% des moins de 35 ans et 96% de leurs aînés en font état.

Des lacunes handicapantes

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Comme en témoigne cette enquête, une part non négligeable de nos compatriotes rencontre des difficultés avec l’orthographe. Difficultés qui sont à l’origine d’un certain nombre de vicissitudes, à l’exemple de moments anxiogènes subis dans leur milieu professionnel par quelque 26% des personnes interrogées, ou encore des remarques émanant de la hiérarchie auxquelles ont déjà été confrontés 22% des actifs salariés ou retraités.

À ce titre, les plus jeunes sont, et de loin, les plus concernés puisque 42% des 15-24 ans et 38% des 25-34 ans ont fait l’objet de telles remarques. Une maîtrise approximative du français est également susceptible d’empêcher ou d’entraver une carrière professionnelle, comme l’indiquent 14% des répondants qui n’ont pu accéder aux études ou aux métiers qu’ils convoitaient, ou les 16% qui ont vu leur évolution professionnelle contrariée pour la même raison. Une réalité confirmée par une étude menée par l’institut Ipsos en 2021, dans laquelle 73% des employeurs considéraient comme rédhibitoires les difficultés à s’exprimer à l’écrit.

Quand les fautes tuent l’amour

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Si elles impactent le monde du travail, les fautes d’orthographe s’immiscent aussi dans la sphère privée. Ainsi, 4 Français sur 10 considèrent qu’elles agissent comme un « tue-l’amour », une opinion partagée par plus de la moitié (53%) des 15-34 ans. Moins concernés ou plus indulgents dans le domaine de l’intime, leurs aînés sont bien moins regardants en la matière, 32% seulement des plus de 65 ans considérant lesdites fautes comme un repoussoir. Notons également que les femmes sont plus nombreuses que les hommes (43% contre 36%) à voir dans une conjugaison fantaisiste ou un participe passé oublié un « tue-l’amour ».

L’enseignement pointé du doigt

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Ainsi qu’en attestent les études régulièrement commandées par le ministère de l’Éducation, le niveau en français baisse régulièrement depuis plusieurs décennies. Une réalité avec laquelle 62% des personnes interrogées se disent tout à fait d’accord, les jeunes âgés de 15 à 24 ans étant les seuls à ne pas exprimer majoritairement cette opinion (47%). Pour plus de 4 répondants sur 10 (45%), la faute en revient à un système scolaire pas assez performant en matière d’apprentissage de l’orthographe, les seniors de plus de 65 ans étant les plus nombreux (58%) à le déplorer.

Près d’1 Français sur 3 (32%) considère par ailleurs que des inégalités existent selon que l’on maîtrise ou non les règles orthographiques, un chiffre en nette hausse ces dernières années (19% le pensaient en 2016). Y a-t-il pour autant matière à débattre sur le sujet ? Les répondants en sont convaincus puisque seuls 5% d’entre eux estiment qu’un tel débat n’a pas grande importance.

Menaces sur la langue française

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Pour une très large majorité de nos compatriotes, la dégradation de l’enseignement du français sonne comme une menace sur la pratique de notre langue. 91% d’entre eux partagent cet avis, dont près de la moitié (45%) en sont tout à fait convaincus. Là encore, de nettes différences se font jour selon l’âge des personnes consultées par l’IFOP, les plus de 65 ans étant deux fois plus nombreux que les 15-24 ans (58% contre 28%) à être catégoriques sur la question.

Le point de vue de Hugo Lasserre, chargé d’études à l’IFOP

« Alors qu’une large majorité de Français estime avoir une bonne maîtrise de l’orthographe, notamment chez les cadres, on constate dans les faits qu’ils surestiment leur niveau. Pour preuve, ils ne sont que 58% à obtenir une note supérieure à 12/20 à la dictée que leur a soumis l’IFOP, à partir de phrases basiques et sans piège majeur. Les résultats indiquent également un décalage certain entre générations : quand huit seniors de plus de 65 ans sur dix obtiennent a minima 12/20, moins d’un jeune sur deux seulement y parvient.

Qu’ils aient ou non un bon niveau, les Français sont très sensibles à ce qu’ils lisent et à ce qu’ils écrivent. C’est le reflet d’un patrimoine culturel partagé, d’une vraie valeur sociétale. Ceci explique pourquoi la faute d’orthographe est génératrice de sanction, dans la vie professionnelle comme dans la vie personnelle, y compris dans la sphère intime où elle est considérée comme un « tue-l’amour ». Et l’aversion pour les fautes d’orthographe, comme en témoignent les différences d’appréciation entre cadres et ouvriers par exemple, apparaît comme un puissant facteur de distinction sociale.

Alors qu’une récente enquête de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la perspective et de la performance) diffusée fin 2022 par le ministère de l’Éducation, a montré que les élèves de CM2 font environ neuf fautes d’orthographe de plus que ceux de 1987, les Français pointent logiquement du doigt les lacunes du système scolaire. La moitié d’entre eux considère qu’il est peu performant, une tendance beaucoup plus forte chez les seniors que chez les jeunes. »

Extrait de l’étude de l’IFOP pour MerciApp

Étude IFOP pour MerciApp.com réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 1ᵉʳ au 6 juin 2023 auprès d’un échantillon de 1006 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.


Une enquête exclusive de l’IFOP pour MerciApp.